soutenance de thèse
Myrtille Rémond soutiendra à l’ENS de Lyon, le 30 septembre 2023 à 14h00 (salle D2 034), sa thèse sur le sujet suivant :
Les Syracusaines de Théocrite. Edition, traduction et commentaire de l’Idylle 15.
Présentation : « Le travail de recherche que je présente est centré autour du texte des Syracusaines de Théocrite. Il en propose le texte grec et une traduction personnelle, suivis d’un commentaire.
Ce court poème est datable des années 270 avant notre ère. On peut le diviser en trois parties. D’abord, la scène se passe chez Praxinoa, à Alexandrie d’Égypte : son amie, Gorgô, d’origine syracusaine comme elle, a le projet de l’emmener au palais de Ptolémée II pour assister à la célébration des Adonies organisée par Arsinoé II. Après de longs préparatifs entrecoupés de diverses récriminations envers leurs maris absents et l’esclave de Praxinoa, les femmes finissent par partir, accompagnées chacune d’une esclave. La seconde partie met en scène le trajet entre la maison de Praxinoa et le palais : ce trajet, que l’on a pu rapprocher d’une katabase, est marqué par l’angoisse des protagonistes et diverses rencontres. La troisième scène a pour décor l’intérieur du palais royal. La description du spectacle des Adonies et la « célébration » des souverains, directe et indirecte, sont assumées par la parole enthousiaste des Syracusaines et la « citation » fictive d’un poème entonné au palais, composé et interprété par une poétesse reconnue. C’est un poème de circonstance, à la fois texte hymnique (célébration d’Aphrodite et d’Adonis), encomiastique et ekphrastique. Cette scène se clôt à la fin du chant rapporté : Gorgô doit rentrer chez elle, son mari n’a pas déjeuné.
Si les Syracusaines de Théocrite ont suscité un certain intérêt depuis quelques années avec les publications notamment de Theocritus at Court de F. Griffiths (1979) ou de l’étude de Joan Burton Theocritus's Urban Mimes. Mobility, Gender and Patronage (1995), ce texte n’a pas encore bénéficié de toute l’attention qu’il mérite. La monographie de P. Kyriakou, Theocritus and his native Muse. A Syracusan among many, parue en 2018, l’ignore ainsi complètement. En France, malgré un intérêt renouvelé pour Théocrite, aucun travail depuis l’édition de Pierre Monteil en 1968 ne s’est penché sur ce texte hybride et passionnant.
L’introduction proposée évoque le contexte historique et littéraire du poème, la cour d’Arsinoé II et l’alexandrinisme, l’histoire de la transmission du texte ainsi qu’une présentation des diverses structures du texte. Une structure ternaire et annulaire semble retenue par Théocrite, mais le poète se joue des découpages dont les possibles s’avèrent multiples ; à cette composition complexe, se surimposent des effets d’échos et de symétrie et de possibles jeux mathématiques.
Un ensemble d’annexes accompagne le commentaire : la traduction des scholies, une synthèse sur la métrique des Syracusaines et la présentation de deux textes du XXe s. qui présentent des rapports d’intertextualité étroits avec le poème de Théocrite.
Ce texte ouvre des perspectives de recherche variées : sur la question du genre littéraire, d’abord. L’Idylle 15 est un court texte dramatique, hérité du mime, genre d’origine populaire, et en particulier de la pratique de Sophron de Syracuse, auteur florissant autour des années 430, empreint de « réalisme » ; mais il est composé en hexamètres dactyliques, mètre de l’épopée ; il contient plusieurs ekphraseis : le conflit des genres assumé par Théocrite introduit une forme de dissonance.
Les Syracusaines sont aussi une œuvre « féminine ». En effet, les protagonistes et les voix sont de genre féminin. Mais, malgré le « réalisme » de cette poésie, il conviendra de décrypter les enjeux de la « féminité » de cette Idylle que l’on ne peut réduire à une « véracité » historique ou à un intérêt pour la femme de la part du poète.
Enfin, l’Idylle 15 est souvent lue, depuis l’Antiquité, comme un éloge décomplexé du pouvoir lagide. Mais certains éléments d’intertextualité mettent à mal la nature strictement courtisane de ce texte. Il convient donc d’essayer de mieux comprendre la signification politique de l’Idylle et le rapport de Théocrite à la cour lagide. »